Ma fonction de président d’une organisation syndicale m’amène à réfléchir à l’aspect politique en lien avec notre profession. Nous faisons partie des 18 métiers représentés au sein de la Confédération générale de l’alimentation de détail (CGAD), laquelle compose avec trois autres organisations patronales – la CNAMS pour les services, la CAPEB pour le bâtiment et l’UNAPL pour les professions libérales – l’U2P. L’U2P, dont Jean Millet, l’un de mes illustres prédécesseurs, fut l’un des fondateurs, incarne le maillage des petites entreprises sur tout le territoire.
Ce maillage est si dense que nous représentons les deux tiers des entreprises françaises. Nous traversons, comme chacun le sait, une période particulièrement tourmentée sur le plan politique : l’instabilité nous pèse, nous empêche de nous projeter et nous inquiète. Et cela devrait durer encore quelques mois, sauf événement majeur qui viendrait bouleverser le calendrier électoral.
Je souhaite saluer ici l’initiative de l’U2P et de son président, Michel Picon, qui, avec un projet ambitieux mais parfaitement réfléchi et étayé, oblige les responsables politiques à se pencher sur un sujet essentiel pour notre société : la valeur Travail. Le constat est simple : la valeur Travail ne fait plus rêver, ou presque. L’une des causes principales est qu’en France, le travail ne rémunère plus comme il le devrait pour permettre de subvenir à ses besoins et de vivre décemment. Parallèlement, la courbe des aides sociales est exponentielle, et il est parfois plus simple de vivre de ces aides que de travailler.
Depuis plus de 60 ans, notre modèle social est financé quasi exclusivement par le travail. Les charges sociales qui pèsent sur les salaires sont confiscatoires, tant pour les salariés que pour les entreprises. Cela doit changer ! Ce système atteint ses limites. La masse salariale dans les petites entreprises représente une charge trop importante : elle ne satisfait ni les salariés, qui n’en perçoivent qu’une fraction, ni les entreprises, qui perdent en compétitivité lorsqu’elles comptent trop de salariés. La classe politique qui ambitionne de gouverner demain – et ils sont nombreux à le prétendre – devra réfléchir et prendre des décisions drastiques.
Notre modèle social ne doit plus reposer uniquement sur les revenus du travail, mais aussi sur ceux du capital ou d’autres sources. Notre profession de pâtissier, chocolatier, glacier, confiseur et traiteur est particulièrement exposée à cette situation. Nous avons besoin de personnel compétent et correctement rémunéré, tant en production qu’en vente.
Si la France veut conserver demain un tissu d’entreprises artisanales où l’humain garde toute sa place, comme nous savons le faire, il faut redonner du pouvoir d’achat aux salariés et de la trésorerie aux petites entreprises. À défaut, la destruction de notre modèle si vertueux d’ascenseur social sera inévitable. Il sera écrasé par des sociétés industrielles, internationales ou non, qui se passent de plus en plus de l’être humain.